La vie était très dure dans la campagne à l’époque, soumise aux intempéries et à la politique. Philippe d’Orléans est Régent depuis la mort de Louis XIV (1715) et la France se rapproche de l’Angleterre. En 1723 Louis XV, majeur, choisit pour gouverner le Cardinal de Fleury et ne prend réellement les affaires en main qu’en 1743 tout en subissant l'influence de Mme de Pompadour (†1764). Plusieurs guerres sont menées dont la Guerre de Sept Ans (1756-1763) contre la Prusse et l’Angleterre qui fait que la France perd ses possessions de l’Inde et du Canada. Le redressement intérieur de la France ne commence qu'après 1770.
Le registre paroissial, bien que difficile à déchiffrer, nous donne quelques indications intéressantes sur la rude vie de Precey :
« Cette année 1720 (année du mariage de Charles Gabriel Hedou et de Marie Ameline) furent inventés par le Regent et le Sieur De laze ou Larûe, les billets de banque qui ruinèrent les riches et enrichirent les pôvres par les ……... qu’on fit. Les églises furent ruinées de fond en comble. Jamais l’Argent n’avait plus servi, les pièces d’un sou allèrent jusqu’à quinze livres, les liards à six deniers.
Les marchands haussèrent les prix des trois quarts, le froment à cent souls, ainsi de toutes autres choses. L’argent changea de prix, plus de cinq ou six fois en six mois.
La perte de ........................ et la moitié de la ville de Rennes fut brulée l’Autreville de Noël dont on ne peut estimer la perte. Les fi.............. .... vides furent ..... .... igne partout le païs dont grand nombre de personnes moururent. La disette fut si grande pendant le mois de may juin et juillet que tous les principaux paroissiens et autres possédant des terres furent cotisés pour nourrir les pôuvres. On retira des billets de banque la fondation de Michel Plaine et une autre partie de ............. de la fondation de Richard Paulin. Il y avait pour quatre cent dix livres de billets de banque au trésor ou dans la fabrique. On fit bien des choses pour en trouver d’autres, mais on put ............. qu’ils ne purent souffrir.
Fait le vingt avril mil sept cent vingt et un.»
« Cette année mil sept cent vingt quatre (naissance de Jean-Baptiste Hedou) pendant 4 ou 5 mois, avril, may, juin, juillet et aout, il ne pleut que deux fois, par deux simples orages. Les blés sont petits et mauvais, c’est pourquoi l’année suivante le froment se vendait à huit livres le razeau, pareil prix le sorgho et .......... cent souls le razeau de blé noir ainsi du reste, ce qui fut la cause qu’une infinité de personnes souffrirent terriblement.
Quarante cinq la somme de froment du cotté de Lysieux et .........; en ladite année 1725 il pleut presque continuellement depuis le commencement de juin jusqu’au mois de septembre, pendant lequel tantot il faisait quatre ou cinq jours de beau temps et ensuite pluye, il n’y eut que la fin du mois qui fut commode pour aouter les blés.
Fait le 1er octobre 1725.»
« Recueil de ce qu’on a fait à l’Eglise de Precey depuis 1721 jusqu’à ce premier jour de janvier 1725.
On a fait pourfir et blanchir la costiere de la nef du costé de l’Epitre qui n’était qu’un maçonnail. (...) On a acheté le crucifix de l’Arcade de bois au dessous. On y a rétably les deux petits autels dont l’un était interdit et l’autre simplement toléré. On a fait faire la sacristie au dépens d’un homme de bien qui ne veut pas être connu et de plus qui a donné le soleil d’argent armoire de la sacristie. (...) On a fait faire une troisième cloche, on a mis l’horloge dans la tour... On a fait la grande porte de l’église »
Dans le livre “Avranchin Monumental et Historique” par Edouard le Héricher édité en 1845 page 458 sont repris des “événements remarquables” consignés par le prêtre de Précey :
« En 1750, on a fait bâtir la fenêtre au bout du choeur, aux frais du Trésor et de quelques personnes charitables...
En 1760, quelques personnes charitables par une quête firent faire et raccomoder la statue de la Vierge qui est dehors contre le pignon du choeur qui a coûté près de 10 livres (en note : cette madone, placée à l’extérieur comme dans les églises d’Italie, a disparu) ...
En 1761, noble dame veuve de Pierre-Louis de Clinchamp, seigneur de Précey, fit elle-même placer contre la balustrade une stalle avec son dossier pour M. le vicaire (note : ce fut une grande affaire qui rappelle le Lutrin )...
En 1762, la misère excitée par la guerre contre les Anglois a été extrême dans ce païs; toutes les marchandises, comme laine, lin, filasse étoient à donner parce qu’il n’y avait plus d’argent; le bled valloit 4 livres le razeau et il étoit plus cher que s’il avoit vallu 10 liv. dans une autre année. Tout l’été a été très sec... mais quand l’eau tomba à la mi-septembre ... c’était chose étonnante de voir les pièces de terre nues où l’on ne voïoit que quelques brins de sarrazin; des charettes toutes attelées auroient bien passé à travers sans en casser aucun. A la fin de cette année la paix depuis long-temps désirée se fit avec les Anglois, au désir de l’une et l’autre nation, mais honteuse pour la France qui perdit le Canada, le Cap-Breton, Terre Neuve. Dieu nous veuille donner de meilleures années que les cinq ou six dernières!
Pendant cette année 1762, on voïoit des troupes de sept ou huit pauvres de tous côtés tous les jours sept ou huit fois. Quand on avoit un morceau de pain, on étoit obligé de se cacher pour le manger, parce que la grande compassion excitoit à le donner...
En 1764, l’intendant de la Généralité de Caen a prié messieurs les curés de lui envoyer le dénombrement des naissances, mariages, etc...»
Le 19 septembre on a placé un coq sur la tour de l’église.»
« Dénombrement des mariages, naissances et morts sur la paroisse de Precey :
De 1690 à 1701: 48 mariages, 143 mâles nés, 130 femelles nées, 136 mâles morts, 120 femelles mortes.
Et de 1752 à 1764 : 47 mariages, 124 mâles nés, 90 femelles nées, 108 mâles morts, 88 femelles mortes. Le 1er août 1764 : 530 habitants.
En 1767, il n’y a eu aucune pommes dans le païs, pas même à plus de trente lieues à la ronde...
L’année 1768 fut la plus malheureuse qu’on ait vu de mémoire d’homme... à peine a-t-on récolté la dîme...
Depuis le 1er juin, à l’exception de quatre ou cinq jours en août et douze jours en octobre, il ne s’est pas passé un seul jour sans qu’il soit tombé de l’eau abondamment, et sans que Dieu, qui est fidèle en ses promesses, nous a promis qu’il n’y auroit point un second déluge, on auroit cru le voir ... les bleds nageaient dans les champs ... on les engrengeaient mouillés et germés, on les a vu lever très haut sur les tas dans les granges ...
Les rivières chargées de foin et de paille de sarrazin ont forcé les ponts et chaussées... Les ponts de la paroisse de Ponts furent percés, celui de Pont-Gilbert rompu; si celui de Pontaubaut n’eût pas été fait de neuf, il n’auroit pu résister; celui de la Houssais près de Montmorel, celui de la Crèche proche de Pontorson furent emportés... On n’alloit dans l’église de Ponts qu’en batteau; le curé de cette paroisse fut même obligé de monter ses bestiaux jusque dans son grenier... Il n’y avoit pas 400 gerbes dans la grange des dîmes... Toute cette relation est véritable: si quelqu’autres ont fait des mémoires, on n’a qu’à les confronter, ils doivent être semblables à ce que je certifie véritable.»